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Arrived Somewhere
20 juin 2016

Dead Can Dance -Aion -1990

aion

Pour ce cinquième album, Gerrard et Perry se sont faits explorateurs du temps et ont ramené de leur élan vers le passé,six siècles en arrière, mélodies, rimes ,sonorités, danses et rythmes.

Bien ancrés dans leur présent,ils ont ensuite façonnés le fruit de leurs découvertes comme on travaille des matériaux précieux,qu'il convient de modeler avec précision,de traiter avec respect et passion. Le groupe offrit alors avec Aion des pièces diversifiées,faisant renaître là une danse médiévale,ici un poème oublié,faisant résonner de nobles instruments au timbre caractéristique d'une époque (la Renaissance). Offrande d'inspiration baroque,Aion va pourtant bien au-delà.

Dead Can Dance a résolument injecté toute sa personnalité et son identité inimitable dans ce disque.

The Arrival and The Reunion accueille l'auditeur dans cet univers ancien réinventé avec la voix diaphane de Lisa,émanation solaire au dessus de la massiveté de graves et intermittents battements de tonnants. David Navarro seconde Lisa dans cette pièce où les harmonies vocales dominent et s'épanouissent avec virtuosité.

De leur prodigieuse machine à explorer les âges, Gerrard et Perry ont ramené une délicieuse danse italienne du 14ème siècle et avec elle, tout un monde d'étoffes,de rires,de parfums ,de lueurs de bougie et de flambeaux. Saltarello s'anime ,vivante, châtoyante,vibrant d'un son brillant et rehaussé à nouveau de massifs coups de tambours qui tranchent avec la légèreté de l'ensemble.

Pleine d'énergie,elle laisse s'exprimer le tintement des tambourins et des grelots ,ainsi que le son festif des bombardes sur un bourdon de cordes frottées.

Pont entre Saltarello et Song Of The Sybill, Mephisto ,court instrumental laissant la parole aux violes de gambe, a la saveur vaporeuse d'une réminiscence ou d'une simple évocation . Du nom d'un des 7 princes des enfers,cette pièce n'a pourtant rien de ténébreuse. D'un phénomène diabolique ,elle pourrait seulement porter la douceur et la poésie d'une incarnation doucereuse.

Le malin s'est approché avec précaution,mais c'est bien l'apocalypse et le jugement dernier que prophétise la sybille incarnée par la voix teinté de gravité de Lisa Gerrard dans Song Of The Sybill. Ce chant d'origine latine, apparut ensuite en catalan et entendu lors de cérémonies codifiées, est encore chanté dans certaines églises d'Espagne et de Sardaigne. Ici, le son de l'orgue ecclésiastique et les voix scandant ce texte annonciateur d'une obscure prophétie sur une mélodie sombre, donnent un aspect funèbre,aux antipodes de l'insouciance de Saltarello. Le soleil perd son éclat ,le monde s'assombrit et cet horizon voilé annonce déjà le pessimisme ardent de Black Sun. C'est pourtant faire incursion dans la lumière que de plonger dans le subtil Fortune Presents Gifts Not According to the Book,adaptation d'un poème de la Renaissance de Luis De Gongora,sur le thème du destin ,surprenant et imprédictible.Son ornementation de cordes et de nappes organiques est gorgée de clarté et le chant de Perry y est glorieux.

La lumière subsiste au travers des notes resplendissantes de cornemuse d'As The Bell Rings the Maypole Spins.Pourtant la voix de Lisa fait germer une tension sourde,inquiétude dormante. La mélodie évoque fortement l'orientalisant The Spider's Stratagem sur l'album suivant Into The Labyrinth,même mélodieux sinueuse ,qui ici se pare d'une instrumentation à caractère celtique.Le rythme est lent et régulier ,coeur battant paisiblement ,offrant au duo voix/cornemuse un terrain propice à l'expression et au déploiement.

The Maypole signifie l'arbre de mai,célébration du retour de la végétation et son pouvoir de régénération. L'arbre suggère la puissance des forces de la nature mais aussi le retour des morts et des ancêtres mythiques,ce qui n'est pas sans coller parfaitement avec l'identité du groupe.La musique de Dead Can Dance a résolument vocation à élever l'Humain et ici encore,l'aspiration vers un Ideal,chère au groupe, est évidente.

The End Of Words ,à forte connotation religieuse , a le mérite, malgré son côté austère et dépouillé ,d'offrir une très belle polyphonie vocale,où les timbres de voix de Lisa et de David Navarro vibrent en harmonie.

C'est alors que surgit un morceau à la texture bien différente et où l'empreinte de Brendan Perry et son côté Dark Wave se manifeste à nouveau. Black Sun assène un pesssimisme revendiqué : ce texte où torture ,vice et péché se dressent fatalement ,cette gravité des percussions,scandant un rythme à la teneur d'une cérémonie sacrificielle au frappé parfois tranchant et ces profonds, et imposants élans vocaux.La voix de Brendan impose sa puissance et sa superbe ,portée par les turbulences fluides du clavier et la solennité de sons de cuivre en arrière-plan.Le ravissement ressenti à l'écoute de cette flambante envolée contraste redoutablement avec la brutalité malsaine évoquée par le texte. Nous voici au centre du triptyque peint par le néerlandais H.Bosch ,dont nous avons un aperçu sur la pochette de l'album, l'énigmatique et foisonnant Jardin des Délices.Après avoir eu sa place au paradis terrestre,l'homme corrompu s'ébroue à loisir dans un univers bouleversé et incohérent, avant de finir dans les tourments de l'enfer.

Courte pièce A Cappella chantée par Lisa, au caractère religieux, Wilderness opère la transition entre Black Sun et The Promised Womb,où le romantisme des violes de gambe réapparait avec une suavité mélancolique. Les violes soutiennent ensuite délicatement le chant impressionnant de Lisa,succession de notes longues ,transperçantes ,à l'émotion soutenue,offertes comme si elle livrait son âme toute entière.

Tel un passage vers d'autres horizons,un soubresaut de la machine à explorer le temps et l'espace,qui oscille , vacille,apparaît et disparaît dans des cliquetis métalliques,The Garden Of Zephyrus agite ses tambourins sur fond de notes lointaines de flûte,lancinantes. Le jardin nous apparaît,peuplé d'oiseaux. Sur les ailes du Zéphyr, vent doux et léger,on nous porte jusqu'au royaume épicé,rythmé et habité d'une musique qui pourrait avoir trouvé ses racines au moyen-orient, en Inde ou en Afrique. Radharc est un morceau précurseur des mélanges d'influences du monde qui marqueront les albums suivants. Avec un titre en langue gaellique ,signifiant la faculté de voir,on peut dire que ce morceau démontre la maîtrise qu'a eu Dead Can Dance dans l'art de mixer ses influences pour créer un son inédit,créateur d'une musicalité qui lui est propre et qui a su dépasser les frontières et se réinventer.

Aion ,plus que de la musique ,s'avère être un opulent témoignage. Dans ce creuset bouillonnent mythes,cultures, connaissances en de nombreux domaines et se réincarnent instruments , textes et harmonies d'un autre âge. Fourmillant de références,cet album rend compte de la soif de connaissance et de la recherche qui a conduit le processus créatif de Dead Can Dance.

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