Folie Lunaire : Camel -Moonmadness-1976
Il n'y a pas de doute , Moonmadness est bien ancré dans son époque.
En 1976, l'humanité est en pleine conquête spatiale, avec les programmes Appolo, Explorer ou Luna. La dernière mission du programme Luna aura lieu en 1976, ramenant le dernier échantillon de lune sur terre.
Moonmadness est aussi exemplaire en matière de musique progressive, de par la richesse, la variété, la construction de ses compositions et de par sa capacité à nous inviter au voyage et à l'expérience sensorielle.
Le premier titre de l'album « Aristillus », du nom d'un cratère lunaire, est une mélodie synthétique cosmique qui introduit un album générateur d'images mentales entraînant l'auditeur dans un voyage spatial vers les terres lunaires arides, tout en le laissant contempler la beauté , la délicatesse de notre planète bleue.
L'album côtoie à la fois science-fiction et merveilleux, comme si les elfes de nos forêts ensorcelées rencontraient d'étranges créatures extraterrestres. On pourrait être rebuté par la production datée et certaines ambiances ou sonorités plutôt démodées, mais une fois dépassé cet « obstacle temporel » , on se rend compte que le génie et le talent traversent ,eux, les époques sans prendre une ride.
Comment ne pas être touché par « Song within a song », « Spirit of the Water » ou le somptueux « Airborn »?
« Song within a song », après une intro de flûte langoureuse, recèle une mélodie magique, qui certes, aurait pu être mise plus en valeur par une performance vocale supérieure.
Il faut simplement admettre que Camel ne soit pas un groupe « à voix » . Malgré cette faiblesse, si l'on accepte d'embarquer sur les flots de cette mélodie, on accède à un pur moment de mélancolie.
Passées ces trois minutes d'onirisme, s'ensuit une deuxième partie dans laquelle les riffs de guitare entêtants font monter graduellement l'intensité, vers un solo de clavier qui a ce charme si particulier, charme d'une époque que je n'ai pas connue et sûrement idéalisée.Le superbe final est clinquant, portant là encore une belle charge émotionnelle.
« Spirit of the water » est comme son titre l'indique , une promenade spirituelle au fil de l'eau. Les notes et les mots viennent vibrer au fond de l'âme et la sonder .
« Air born » est le morceau que je passe en boucle. L'intro somptueuse débutant à la flûte et au piano vient glisser avec une intensité remarquable vers le « groupé » guitare/basse/batterie/nappes de clavier pour un frisson garanti.
Le chant fragile et orné d'effets scande une mélodie des plus belles et émotionnelles. Après le retour de la flûte mélancolique, la voyage spatial démarre. On décolle puis on flotte autour de la terre, spectateur du miracle de notre lumineuse planète, puis on s'oriente vers la pénombre lunaire, vers l'énigmatique, et de nouveau l'émotion étreint avec le retour du thème vocal, magnifiquement amorcé. Ces notes pourraient être les dernières à résonner dans la galaxie, ultimes témoins du passage des hommes dans l'univers...s'il était possible que le son puisse s'y répercuter (Rassurez vous je ne suis ni imbibée de substances illicites, ni adeptes des théories de fin du monde prochainement annoncée...juste une passagère réceptive de la navette « Airborn » que je conseille à chacun d'emprunter ).
Le final est tragique, point d'orgue d'un morceau à la construction parfaite.
L'album emprunte aussi au Jazz, surtout dans le morceau « Chord change », mais aussi dans « Lunar Sea », où se répondent passages jazzy complexes et lignes simples de synthé de science-fiction. Ces deux ambiances viennent se fondre pour se dissoudre dans un final épuré de solitude céleste, propice à la méditation.
Une bien belle découverte tardive que ce groupe. Je me réjouis des futures écoutes, d'autant que le groupe a pour le moment 14 albums à son actif.