Anathema- The Optimist -Juin 2017
Parler d’ ANATHEMA engage forcément l'affect. Le groupe des Frères CAVANAGH sait plonger son auditoire dans une mélancolie irradiée d'intenses éclats lumineux et c'est toujours l'émotion qui l'emporte, de décharges de beauté en rugissements de tristesse. C’est donc un groupe auquel je tiens tout particulièrement qui présente ici son 11ème album intitulé THE OPTIMIST .
Lors du concert donné à Caen le 12 novembre dernier, ANATHEMA présenta quelques nouveaux morceaux, dont Ghosts, Springfield,The Optimist et Can’t let go intitulé à ce moment “ John Martyn” . Danny expliqua que l'idée de départ de ces nouvelles compositions était de s'intéresser au destin de l'homme protagoniste de leur 6ème opus A FINE DAY TO EXIT, qui abandonne tout et semble sceller son destin en s’offrant à l’océan. 16 années et 5 albums plus tard , nous retrouvons la plage figurant sur la pochette de A FINE DAY TO EXIT .En effet , l’introduction désignée par les coordonnées GPS de ce lieu nous y replace et l’on peut entendre des bruits de vagues, l’homme remontant en voiture , allumant son auto-radio . On comprend que le personnage est revenu sur sa décision et semble prêt à un nouveau départ. Tout ceci n'est qu'un prétexte, car l'album ne se veut pas concept-album. On ne nous raconte pas d'histoire.Avec ANATHEMA, le propos est universel et parle à chacun de nous. C'est donc à l'auditeur de donner un sens à ce récit inachevé et d'y placer ses propres sentiments, ses peurs, ses espérances, tout comme les membres du groupe l'ont fait en le composant. La musique s’y prête volontiers, on y glisse voluptueusement . Elle s’avère hypnotique, linéaire et nuancée dans son intensité malgré peu de ruptures, et délicieusement émotionnelle.
ANATHEMA propose ici une habile construction, synthèse de ce qui constitue à la fois sa force et sa personnalité. On retrouve l’identité du groupe que l’on aime tant, et on adhère à leur évolution , aux nouveaux éléments qu'il distille savamment. On retrouve avec un plaisir non dissimulé cette tension contenue qui ne demande qu'à être libérée, ces montées en puissance typiques du groupe . Adeptes du grand frisson à la façon ANATHEMA, vous décollerez sûrement en écoutant The Optimist (le morceau) avec sa douce introduction alliant piano et voix, sa poussée d'adrénaline à l'arrivée de la guitare et de vocaux plus appuyés, la reprise de la mélodie par l'intégralité des instruments dans un climax, où la guitare hurlante vient vous fendre le coeur ,et son accalmie au son de derniers échos. Gageons que Springfield ne vous laissera pas indemne non plus ; à partir de quelques notes simples et de deux phrases scandées par la magnétique Lee DOUGLAS , le groupe nous a concocté une petite pépite d’émotion , qui enfle toujours plus. Dans un rythme implacable et envoûtant, on vibre à l'unisson. La voix de Lee est un nectar, radieuse et touchante dans Endless Ways, lumineuse et aérienne dans Ghosts, elle sait faire irradier les mélodies et les rendre addictives. Depuis A NATURAL DISASTER , ANATHEMA a intégré à sa musique des éléments électroniques. Leur facette électro avait pris beaucoup de place sur le très inégal DISTANT SATELLITES ,décevant certains adeptes qui n’y retrouvaient plus l’identité du groupe sur certains morceaux. En effet, la personnalité d’ANATHEMA semblait y avoir disparu alors qu'elle était paradoxalement fortement affirmée sur d’autres morceaux.Cela sonnait presque comme un adieu au groupe que nous connaissions. Fort heureusement, il n’en est rien , ici l’album opère une synthèse parfaite entre l’ANATHEMA de A FINE DAY TO EXIT et celui de DISTANT SATELLITES .Encore mieux, c’est comme si le groupe , après ses débuts doom-metal , son ancrage atmosphérique,son virage pop-rock, son renouveau progressif,ses envolées symphoniques et des expérimentations électroniques , avait trouvé son mode d'expression le plus efficace, en dosant savamment les différents ingrédients de sa musique.
L'album assume donc pleinement la variété de ces ambiances, même au sein d'un seul morceau.En effet, dans Wildfires ,l'étrangeté de nappes de voix fantomatiques superposées , où l’on sent l’influence de RADIOHEAD (que l'on ressent à de nombreuses reprises d'ailleurs ), côtoyant un martèlement de batterie électro précède un climax propre à ANATHEMA, poussée d'adrénaline soudaine, nous agrippant violemment en nous rappelant le magnifique A Simple Mistake et son “It’s never too late” (ici transformé en “It's too late”), assurant ici le lien avec l’histoire du groupe. Juste avant, le sombre et jazzy Close Your Eyes a fait de Lee DOUGLAS la vénéneuse chanteuse d'une boîte de jazz, illustrant l’errance et le spleen , en ajoutant une teinte nouvelle à la palette du groupe. Si l'on devait faire la fine bouche et leur reprocher quelque chose , on dirait qu'il manque dans le chant de Vincent (chant qui avait oh combien progressé depuis leurs débuts!) la grandiloquence, l’intensité qu'il était parvenu à atteindre.Ici on n’a pas la superbe de Flying ou d’ Untouchable , on n’égale pas l’exacerbation de l’émotion d’ Anathema ou de la fin dramatique de The Storm Before TheCalm, pour ne citer qu'eux. Mais si l’on voit les choses autrement ,on peut dire qu'il laisse la place à plus d'optimisme ...justement …. on verse moins dans le pathos et on se laisse même gagner par des vibrations très positives. C'est le cas avec Can't Let Go qui déploie un rythme rapide,soutenu par une guitare en continue, un morceau à l'énergie contagieuse qui fait du bien Puis, dans le final Back to the start, la voix chaude de Vincent, au timbre rassurant et profond, malgré sa retenue, offre sa place à un très beau déploiement mélodique instrumental, suivi de choeurs optimistes proclamant “ Back To The Start”, apothéose solaire conclusive, quiconfirme la place de choix qu’occupe ANATHEMA dans le cœur de nombre d’amateurs de musiques progressives.
Anathema - Springfield (from The Optimist)